« Un sport qui va beaucoup grandir »… Comment le volley surfe déjà sur le triomphe olympique à Tokyo

Déjà qualifiée pour les quarts de finale de l’Euro, l’équipe de France joue ce jeudi (19 h) contre l’Estonie à Tallinn.Le volley français sent déjà les effets positifs du sacre olympique aux Jeux de Tokyo, notamment sur le nombre de licenciés.Mais le plus confidentiel des grands sports collectifs français a encore beaucoup à faire pour se hisser à la hauteur du basket ou du handball.

Même pas le temps de profiter… Un mois après leur triomphe olympique, les Bleus du volley ont déjà largement entamé un Euro où ils restent invaincus avant que les choses sérieuses ne commencent. Il s’agirait de ne pas froisser la plus belle page de leur histoire, écrite le 7 août dernier. 6,7 millions de téléspectateurs (record d’audience des JO de Tokyo) ont vibré devant l’invraisemblable scénario de la finale face aux Russes (3-2).

Depuis leur canapé, des gens de tout âge se sont enflammés devant les prouesses d’Earvin Ngapeth, et les tours de magie d’Antoine Brizard, alors que leur rapport à la discipline se limitait jusqu’alors à des passes malhabiles en cours d’EPS et/ou à l’animé sportivo-sentimental Jeanne et Serge.

« Il s’est passé quelque chose, convient Eric Tanguy, le président de la Fédération française (FFVB). Il y a un effet Jeux olympiques indéniable, on le ressent déjà. » La Team Yavbou et son charismatique leader Ngapeth ont écrit leur chef-d’œuvre au Japon, à la force du poignet. Un exploit décisif dans l’existence du plus petit des grands sports co français, qui a longtemps vivoté pendant que le handball collectionnait plus de médailles qu’un maréchal soviétique bien vu du Poltiburo.

Le volley, exception dans un paysage sinistré

« A chaque fois qu’on a eu des résultats depuis 2014, le nombre de licenciés a augmenté derrière, reprend Tanguy. Là, on parle de l’or olympique. On guette les chiffres avec une grande attention. » Les premières tendances sont très positives, dans un contexte où le pass sanitaire imposé aux plus de 12 ans inquiète les fédérations. « Au 30 août, on était à 8.155 licenciés contre 6.090 à date en 2019. » Si un panorama plus complet ne peut pas être dressé avant fin octobre, la FFVB compte dépasser les chiffres d’avant-Covid, soit 143.000 licenciés (dont 49 % de femmes).

Sur le terrain, la dynamique se confirme. A Toulouse, les Spacer’s, qui affichaient jusqu’à présent 140 sociétaires hors effectif professionnel, enregistrent ainsi 30 % d’inscriptions en plus chez les 6-18 ans, selon leur nouveau président Bruno Sola. « Je ne suis pas un volleyeur, mais j’ai toujours trouvé qu’il s’agissait d’une discipline dynamique, offensive et méconnue. C’est un sport universel et le premier au niveau universitaire, en France et dans le monde. »

« Développer notoriété et chiffres de fréquentation »

Alors forcément, ce titre tokyoïte au cœur de l’été apparaît comme une divine surprise au moment de partir à la conquête d’une ville où les sollicitations sportives et culturelles ne manquent pas. « C’est une belle vitrine pour mettre en lumière un sport auquel tout le monde a joué mais qui doit développer sa notoriété et ses chiffres de fréquentation », analyse le dirigeant d’un club qui a post-formé trois champions olympiques (Clévenot, Brizard, Chinenyeze).

Ngapeth s’est pourtant ému, au retour des Jeux, de jouer fin août dans une enceinte de seulement 1.500 personnes à Belfort, pour deux amicaux contre l’Ukraine. « Quand on a réservé la salle, nous étions début mai, avec une situation sanitaire qui entraînait des matchs à huis clos, réplique Eric Tanguy. Bien malin qui savait que l’on deviendrait champion olympique. Mais le volley sait attirer du monde, comme lorsqu’on a mis 13.000 personnes en 2019 à Bercy lors de l’Euro ». Un rendez-vous à la maison terminé en queue de poisson…

L’épineux problème des droits télé

Le chemin à parcourir pour devenir incontournable reste toutefois aussi sinueux qu’une route corse. Lors du fameux rendez-vous belfortain, la FFVB a financé la production et l’a offerte à France Télévisions, pour une retransmission sur France 4. « C’est compliqué d’avoir une chaîne de télé qui veut diffuser le volley et assumer les coûts de production », convient Tanguy.

Le contrat avec la chaîne L’Equipe, qui suit les Bleus depuis décembre 2015 et diffuse actuellement le championnat d’Europe, est ainsi sur le point d’expirer, sans garanties d’être renouvelé. « L’Euro va être un facteur-clé, indique Jérôme Saporito, directeur du pôle TV de L’Equipe. Entre être éliminé un lundi à 16 h en 8es de finale et être champion d’Europe à 21 h le dimanche, il y a un monde, un rapport d’un à dix. » Pour l’heure, l’équipe entraînée par le Brésilien multititré Bernardinho, qui a succédé à Laurent Tillie après le triomphe aoûtien, continue son opération séduction.

30 % d’audience en plus à l’Euro

« Sur les trois premiers matchs de poule, on constate une augmentation des audiences de 30 % par rapport à l’Euro précédent [en 2019], détaille Saporito. Cela représente 350.000 spectateurs en moyenne. »  Selon la FFVB, la tendance est aussi à l’optimisme au moment de trouver un nouvel équipementier, alors que l’appel d’offres lancé avant les JO avait été infructueux.  « On discute de gré à gré avec deux marques, les négociations sont favorables », précise Eric Tanguy, en poste depuis 2015 et au moins jusqu’en 2024, l’année que tout le monde sportif (et politique) français a coché en gros sur son agenda.

Notamment les Bleues, qui ont regardé les sports collectifs briller au Japon sans elles. « Elles font partie du projet “Génération 2024”, assène le patron de la Fédé. Avant, on ne se qualifiait pas pour l’Euro, là cela fait deux fois d’affilée. En 2019, les filles n’étaient pas sorties des poules, là elles sont arrivées en quart où elles ont pris un set aux championnes du monde serbes ».

L’autre gros chantier du volley français concerne un championnat pro encore trop confidentiel et retransmis, en attendant mieux, par la propre chaîne de la Ligue nationale (LNV). « Trop peu d’internationaux évoluent en France [Nicolas Le Goff à Montpellier, Kevin Tillie à Tours, Daryl Bultor à Tourcoing] », juge Bruno Sola, le pilote des Spacer’s, qui compte remplir le Palais des sports (4.200 places) le 7 octobre lors de la 1re journée de Ligue A contre Cambrai. Et pas seulement avec les 34 % d’abonnés en plus déjà recensés. 

« D’autres investisseurs vont arriver »

Assez logiquement pour un Toulousain, le patron des Spacer’s voit l’avenir en rose pour la discipline. « Le frémissement actuel me laisse penser que d’autres investisseurs vont arriver dans le volley. C’est un sport qui va fortement grandir dans les prochaines années. » « Le volley commence à s’installer, confirme Jérôme Saporito, de L’Equipe. On s’aperçoit à quel point ce sport peut être beau, entre les services, les smashs… »

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Reste à maîtriser l’art de la négociation en coulisses, pas toujours le plus noble mais indispensable au très haut niveau. « La FFVB doit aussi se battre pour être reconnue comme une grande nation du volley à l’échelle européenne, interpelle le diffuseur des Bleus. Pour l’instant, le 8e de finale est programmé lundi à 16 h. Si, forte de son statut de championne olympique, elle pousse pour qu’il soit disputé à 21 h, l’audience sera multipliée par trois ». Quand on vous dit que le haut niveau se joue sur des détails.

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