Linda Lovelace, héroïne de “Gorge profonde” : une trajectoire exemplaire et pathétique

De son ascension fulgurante grâce à son rôle dans le film X “Deep Throat” qui fête ses 40 ans à sa reconversion dans le féminisme militant puis une fin de vie sans le sou, la trajectoire de Linda Lovelace est aussi exemplaire que pathétique.

De son ascension fulgurante grâce à son rôle dans le film pornographique Gorge profonde à sa reconversion dans le féminisme militant, en passant par ses liens sordides avec un mari proxénète pour finir sa vie sans le sou dans un accident de voiture, la trajectoire de Linda Lovelace est pathétique. Retour sur un tragique destin alors que le film célèbre les 40 ans de sa sortie en France

Ex Marine proxénète cherche sa muse…

Linda Lovelace, de son vrai nom Linda Susan Boreman, grandit dans le quartier new-yorkais de Yonkers et est scolarisée dans une école catholique. A 19 ans, elle rencontre Chuck Traynor. Individu louche, ancien marine, gérant d’un bar en Floride se livrant occasionnellement au proxénétisme avec les jeunes filles rencontrées dans son établissement, Traynor devient son manager et futur mari. Il l’amène rapidement à tourner de manière clandestine quelques Loops (courts métrages à caractère pornographique),et à poser pour la photographe Bunnie Yeager.

La candide jeune femme, alors soucieuse d’ouvrir une boutique ou de devenir hôtesse de l’air, est remarquée par Gerard Damiano, un ancien coiffeur new-yorkais qui la rebaptise avec à-propos Linda Lovelace et en fait la vedette de son film Gorge profonde. Ecrit en un week-end et tourné en six jours en Floride, ce long métrage, où Linda découvre que son clitoris est anormalement situé dans sa gorge, est porté aux nues par le New York Times qui en fait un phénomène de société. Financé par des personnes ayant des liens établis avec le crime organisé, le film rapporte à sa sortie 160 millions de dollars dans le monde. Linda Lovelace, qui entre par la petite porte de l’histoire grâce à une technique inspirée des avaleurs de sabres, se voit carrément confisquer son cachet de 1250 $ par Traynor…

Tempête médiatique

La sortie du film en juin 1972 aux Etats-Unis déclenche également une véritable polémique, le film étant qualifié d’obscène par l’Etat de New York et faisant l’objet d’une interdiction dans 23 Etats. Tout comme Gerard Damiano et Harry Reems, son partenaire à l’écran, Linda Lovelace est poursuivie par le Ministère public pour association de malfaiteurs et transport d’obscénités à travers les frontières des Etats. Elle décide de coopérer avec les autorités et accepte de plaider coupable pour se voir notifier un chef d’inculpation moins grave. En 1973, elle se sépare enfin de Traynor.

Croisade et déchéance

Malgré quelques apparitions dans la suite Gorge profonde 2 (1974), The Confessions of Linda Lovelace (id.) et Linda Lovelace for President (1975), trois films bâtis sur son statut de star, la comédienne préfère se retirer du X business alors en pleine effervescence pour se convertir au féminisme. En 1980, elle écrit Ordeal, une autobiographie dans laquelle elle désavoue Gorge profonde, expliquant que son ancien mari l’avait forcée sous la menace d’un revolver à exécuter certaines scènes. Un témoignage que viendra contredire le documentaire Inside Deep Throat en 2005 : le réalisateur Gerard Damiano et l’acteur Harry Reems, interviewés, affirment que Linda Boreman n’a pas été forcée à participer au film et qu’ils n’ont jamais vu d’armes à feu sur les lieux du tournage. Quoi qu’il en soit, elle continue sa croisade : en 1986, elle témoigne devant la commission du procureur général Edwin Meese visant à lutter contre la pornographie.

Pour l’ex actrice porno repentie, les années qui suivent sont difficiles. Subissant une greffe du foie en 1987, elle est aussi obligée de faire divers boulots pour subsister, comme secrétaire le jour et femme de ménage la nuit. En avril 2002, elle est victime d’un accident de voiture. Transportée d’urgence à l’hôpital de Boulder, dans le Colorado, elle succombe le 22 du même mois des suites de ses blessures, à l’âge de 53 ans.