JO Tokyo 2021 : « Il a fallu lâcher des trucs »… Clarisse Agbegnenou, la difficile attente d’un sacre annoncé

Clarisse Agbegnenou, porte-drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture, entre en lice ce mardi dans la catégorie des -63 kg, qu’elle domine depuis des années. Quintuple championne du monde et d’Europe, il ne lui manque plus qu’un titre olympique pour compléter un palmarès déjà éblouissant. Cette quête l’habite tellement que la judokate avait pris un gros coup derrière la tête l’an dernier en apprenant qu’elle allait devoir attendre douze mois supplémentaires. Elle a su repartir en s’ouvrant à de nouveaux horizons.

De notre envoyé spécial à Tokyo,

Quatre ans à ruminer et fomenter sa revanche, c’est long. Alors quand Clarisse Agbegnenou a appris qu’il lui faudrait patienter encore une année de plus pour effacer la désillusion des JO de Rio et tenter de décrocher le seul titre qui manque à son immense palmarès, elle s’est littéralement effondrée. « J’étais vraiment anéantie. J’en ai beaucoup pleuré », avoue-t-elle sans se cacher. Peu après l’annonce du report, elle expliquait dans un communiqué : « En tant qu’athlète, nous consacrons notre vie à notre sport. Ça fait quasiment quatre ans que je me prépare pour une seule et unique compétition. J’ai organisé ma vie et fait des sacrifices au quotidien pour cette échéance. »

Elle repense alors à ces visites en coup de vent à la famille, aux amis perdus de vue ou presque, à ces petits écarts qu’elle ne s’est pas accordée… bref, à tout ce qui fait la vie d’une jeune femme entre 23 et 27 ans et qu’elle avait mis de côté pour mieux façonner son corps et son esprit, entièrement tournés vers cet objectif. Le retour de bâton a été violent, elle en était presque à se dire qu’elle avait fait tout ça pour rien. « Le report a eu un impact psychologique très fort sur elle », reconnaît Larbi Benboudaoud, le patron du judo féminin.

Une « popote » personnalisée

Ce dernier a alors élaboré avec son staff un programme aux petits oignons pour que ces douze mois supplémentaires ne se transforment pas en marmite dont la quintuple championne du monde et d’Europe serait ressortie bouillie. « Il a fallu lâcher des trucs qu’on aurait pas lâché en temps normal, parce qu’elle en avait besoin, explique celui qui est également directeur de la haute performance. Clarisse est très pro dans sa préparation, je la connais bien, j’ai commencé à travailler avec elle quand elle avait 14-15 ans. Aujourd’hui, elle est complètement autonome, mais elle appartient à une équipe, il ne faut pas l’oublier. Il y a un cadre qui doit être respecté par tous les membres. Ça a été une popote à faire, sans que ça nuise au reste de l’équipe. »

Pour redonner du souffle à sa préparation, Agbegnenou a diversifié ses horizons. Elle s’est envolée pour la Réunion le temps du confinement, s’est mise au yoga, à la boxe et au jujitsu. Et après avoir hésité, elle s’est finalement lancée dans sa formation de coach de vie à HEC, prévue de longue date pour 2021 et qu’elle n’a pas voulu repousser. Début juillet, pendant le dernier stage de l’équipe de France à Soustons, dans les Landes, elle commençait d’ailleurs à écrire son mémoire de fin d’études, qu’elle devra rendre en septembre.

Durant ce stage, elle n’était pas logée avec le reste de ses coéquipiers mais seule, au milieu de la nature. Choix personnel, validé par l’encadrement. « Toute l’année, j’ai fait des choses de mon côté, j’ai émis le souhait de continuer ainsi jusqu’à la fin », racontait-elle dans une chronique au Parisien, avant de s’envoler pour Tokyo. « Pendant toute cette année, on a essayé de casser les routines, retrace Benboudaoud. Ça a été long pour tout le monde, il a fallu sortir de notre zone de confort, faire face à l’incertitude quasiment chaque jour. Toute la difficulté est de conserver les exigences du très haut niveau tout en s’adaptant au contexte. »

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A tâtons, Clarisse Agbegnenou a su trouver le chemin qui lui convenait. Il n’y a qu’à voir ses résultats depuis la reprise pour s’en convaincre. Trois tournois internationaux, trois victoires : le championnat d’Europe à Prague fin 2020, puis le Master de Doha et son historique cinquième titre mondial en juin à Budapest. De quoi définitivement retrouver le sourire, qui ne la quitte à nouveau plus à l’approche du Jour-J.

Surtout, elle a reçu un gros coup de boost en étant élue porte-drapeau de la délégation tricolore pour la cérémonie d’ouverture. Un moment qui l’a marquée, et a fini de la faire entrer dans la compétition. « On s’est vraiment transmis de l’énergie, de l’ambiance, ça a été vraiment un moment inoubliable », appréciait-elle à la sortie. Allez, y’a plus qu’à.

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