A 28 ans, le héros de Twilight Robert Pattinson veut changer d’image et sortir du rôle réducteur du beau gosse qui lui colle à la peau.Maryvonne Ollivry
C’est fidèle une femme, surtout une ado. C’est fidèle et ça pardonne tout. Les dents pourries, les barbes négligées, les nippes tachées, les relents de sueur visités par les mouches, comme les seconds rôles. Et même – et même ! – les postures olé-olé que jamais, ô grand jamais, un héros romantique twilightien ne se serait permis. C’est collant, une femme, surtout une ado ? Robert Pattinson ne doit pas être loin de préférer cette formule. Ingrat ? Pas si vite. Comment pourrait-il oublier ce qu’il doit à ces groupies prépubères en transe qui ont dernièrement attendu des heures au pied du red carpet cannois, sous la pluie qui plus est, pour l’apercevoir et lui faire signer un autographe ?
Mais l’amour, c’est comme tout : une question de dosage. Il y a un moment où c’est sympa – quand ça fait de vous le plus célèbre des vampires et des jeunes premiers cotés d’Hollywood -, il y a un moment où ça encombre façon sparadrap du Capitaine Haddock. Surtout quand on se donne tellement mal pour être « mal aimable ». Trois ans que l’acteur anglais multiplie les initiatives pour prouver qu’il n’est plus Edward Cullen, ce sex-symbol pour midinettes acnéiques, et qu’il peut jouer bien autre chose : les golden boys paranos et égocentriques (Cosmopolis de David Cronenberg, sorti en 2012), les benêts abandonnés par un gang (The Rover de David Michôd, en salles depuis le 4 juin), les chauffeurs de maître usant des pires privautés avec une star déboussolée à l’arrière de sa limousine (son rôle dans le dernier Cronenberg, Maps to The Stars, sorti le 21 mai dernier). Il n’y est jamais trop à son avantage, jamais très sympathique. Jamais très glamour. Mais rien n’y fait : pour ses groupies, il aura toujours les yeux ensorcelants topaze doré.
Bobby semble avoir du mal à s’y résoudre. Déjà il y a deux ans dans Première, il s’étonnait : « Je vais avoir vingt-six ans, et ça commence vraiment à faire bizarre de plaire à des filles de treize ans. » Avec une maturité étonnante, il parlait de ses ambitions d’acteur. « Plus personne n’ose faire des drames pour adultes car le public ne va soi-disant pas les voir. C’est pourtant comme ça qu’on fait durer une carrière. » Comme cela que lui, en tout cas, entend faire durer la sienne, à coup de projets moins faciles, plus pointus. Mais de s’interroger : « Comment voulez-vous jouer de tels rôles alors que les gens savent tout de votre vie ? »
Lui ne dit rien. On parle pour lui. On lui a arrangé une idylle, fort lucrative durant les promotions Twilight, avec Kirsten Stewart. Une autre avec Riley Keough, la fille de Lisa Marie Presley, petite-fille du King. Une, enfin, avec la chanteuse-actrice Katy Perry. Démenti fulgurant au « Grand Journal », en direct de Cannes : à la question « Etes-vous célibataire ? », l’acteur britannique à répondu « Yeah ». Gêné. Comme un enfant trop bisouté par sa maman devant le portail de l’école qui aimerait tant qu’elle ne leur mette pas la honte. Pattinson désire qu’on sache qu’il est devenu un grand garçon. « La première fois, explique-t-il dans le dernier numéro de Première, que j’ai eu le sentiment de voir un adulte en me regardant à l’écran, c’était en découvrant la pub Dior (il est l’égérie du parfum Dior Homme). The Rover a confirmé cette sensation. Je crois avoir davantage confiance en moi et ces sélections à Cannes y contribuent énormément. » Il parle boulot. Il parle pro. Il semble ne plus trop comprendre la comédie des autographes qu’il signe avec un mécanisme détaché. Il veut devenir un acteur crédible. Il va falloir que ces demoiselles grandissent un peu pour voir combien il peut être grand.
Maryvonne Ollivry