L’exposition des femmes enceintes au chlordécone, un insecticide utilisé de 1973 à 1993 aux Antilles pour lutter contre le charançon du bananier, mais encore présent dans les sols, eaux de rivière et sédiments, augmenterait le risque de prématurité, selon les auteurs d’une étude publiée dans l’American Journal of Epidemiology.
L'exposition des femmes enceintes au chlordécone réduit la durée de la grossesse et augmente le risque de prématurité.
Considéré comme un perturbateur endocrinien, neurotoxique et classé comme cancérogène potentiel par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le
chlordécone n’en finit plus de faire parler de lui. L’exploitation des données issues de l’étude de cohorte Timoun menée entre 2004 et 2007 accable un peu plus ce pesticide, objet d’un véritable scandale sanitaire.Interdit depuis 1976 aux États-Unis après la découverte de sa toxicité, ce pesticide n’a fait l’objet d’une interdiction sur le sol français qu’en 1990 ; aux Antilles, il aura fallu attendre 3 ans de plus, mais il aurait tout de même continué à être utilisé jusqu’en 2005-2007. Actuellement, l’exposition des populations au chlordécone résulte principalement de la consommation d’aliments contaminés, principalement les légumes racines, les cucurbitacées (melons, concombres) et les fruits de mer.Le chlordécone est associé à une réduction de 3 jours de la durée de la grossesseC’est sur cette période qu’ont porté les travaux de l’équipe dirigée par Sylvaine Cordier à Rennes (Unité Inserm 1085), en collaboration avec le Centre de recherche analytique et de technologie de l’Université de Liège (en Belgique) et le service de gynécologie-obstétrique du CHU de Pointe-à-Pitre. Les chercheurs ont examiné les données de l’étude Timoun, incluant plus d’un millier de femmes enceintes d’au moins 7 mois entre 2005 et 2007.A partir d’un prélèvement de sang maternel lors de l’accouchement, ils sont parvenus à évaluer l’exposition des jeunes femmes au chlordécone au cours de leur
troisième trimestre de grossesse et démontrer que cette exposition maternelle réduisait la durée de la grossesse et augmentait celui de
prématurité. “La réduction de la durée de la grossesse dépend du niveau d’exposition au chlordécone. Mais nous avons observé une réduction de 3 jours lorsque le niveau d’exposition des femmes est supérieur à 0,52 µg/l, ce qui est le cas de 40 % de la population étudiée“, précise Sylvaine Cordier à Doctissimo.Informer les femmes enceintes des aliments à éviterPour les chercheurs, “ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques du chlordécone“. Pour autant, il ne s’agit que d’une étude épidémiologique, avec toutes les imperfections qu’une telle étude comporte, elle ne permet en aucun cas de tirer des conclusions sur un lien de causalité entre chlordécone et risque de prématurité ou de réduction de la durée de la grossesse, insiste Sylvaine Cordier.Elle recommande toutefois d’informer les femmes enceintes des aliments à éviter, en raison des circuits d’approvisionnement (hors circuits réglementés ou dans les jardins familiaux) qui peuvent en faire des produits à risque. Les aliments les plus à risque sont les légumes racines (carottes, navets, radis, salsifis, pommes de terre, etc.), les melons, concombres, les volailles élevées sur des sols contaminés ou encore les poissons et fruits de mer péchés dans des estuaires contaminés. Les lieux de production font l’objet d’une surveillance étroite par l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).Le chlordécone, objet de nombreux travauxCela fait plusieurs années que Sylvaine Cordier et ses collègues (Unité Inserm 1085 à Rennes) évaluent l’impact sur la santé de l’exposition au chlordécone. Ils avaient déjà démontré en 2012 que
l’exposition prénatale au chlordécone des enfants nés de mères enceintes entre 2005 et 2007 impactait le développement cognitif, visuel et moteur des très jeunes enfants. En 2010, ils avaient également établi un lien de causalité entre l’exposition des hommes au
chlordécone et le risque de cancer de la prostate, qui pouvait être jusqu’à 5 fois plus élevé que dans la population non exposée à ce
perturbateur endocrinien. Actuellement, les travaux de la chercheuse et de ses collègues portent sur le risque d’obésité infantile chez des enfants dont la mère a été exposée au chlordécone pendant sa grossesse, un risque sur lequel pèsent de forts soupçons dans la mesure où il est avéré pour l’ensemble des produits organochlorés persistants, souligne Sylvaine Cordier.Amélie Pelletier
Sources :
1. “Chlordecone exposure, lenght of gestation and risk of preterm birth“. American Journal or Epidemiology, 8 janvier 2014 (
résumé en ligne).
2. “
Chlordécone en Martinique et Guadeloupe : Questions/Réponses“. Document de l’Anses téléchargeable sur son site.
3. “
Évaluation du risque alimentaire associé au chlordécone et autres résidus de pesticides pour la population antillaise“. Document de l’Anses en ligne sur son site.Click Here: Cheap Chiefs Rugby Jersey 2019