Les chiffres de l’Observatoire de la sécurité desmédecins dévoilés par le Conseil de l’Ordre sontinquiétants, avec un quasi-doublement des violencesdéclarées, en particulier verbales, entre 2009et 2010. Un phénomène qui vient se surajouter auxdifficultés rencontrées actuellement par une professionsurchargée de travail et de contraintes administratives, dansun contexte de désertification médicale progressive.
Hausse globale des agressionsdéclarées920 agressions verbales ou physiques
ont été déclarées en 2010au Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM),contre 512 en 2009, soit un quasi-doublement en 1 anet un nombre supérieur au triste “record“ précédent,datant de 2007 :
Certes, il y a environ 200 000 médecinslibéraux en France, donc ce chiffre n’est dans l’absolu pastrès élevé. Mais la hausse des faitsdéclarés est cependant inquiétante. De plus, il estprobable que seule une partie des incidents soitdéclarée, les médecins ne portant passystématiquement plainte, comme c’est le cas d’ailleurs pourles agressions qui ne concernent pas les médecins.
Forte hausse des agressions verbales
Les agressions verbales sont les plus fréquentes (63 %des cas) et augmentent progressivement depuis 2006. Il s’agitdans l’écrasante majorité des cas (98 %) d’injuresou menaces. Dans de rares cas, ces agressions verbales peuventprendre la forme d’un harcèlement (téléphone,internet) ou de lettres de menaces.
Viennent ensuite les vols ou tentatives de vols, quireprésentent 25 % des agressions (cf. par exemple
ce témoignage édifiant de “Jaddo“, jeunemédecin généraliste blogueuse agressée etvolée début mars par 2 individus dans le cabinetmédical où elle effectue des remplacements).
Quant aux agressions physiques, elles sont en baisse de 3 %cette année (13 %) :
Les femmes de plus en plus agressées, lesgénéralistes en première ligne
43 % des victimes médicales d’agression étaient desfemmes en 2010 (37 % en 2009). 62 % desmédecins victimes étaient des généralistes(alors qu’ils ne représentent que 53 % des médecinslibéraux français). Les spécialistes les plustouchés sont les ophtalmologues (7 %) puis lesmédecins du travail (4 %).
Dans un cas sur 2, l’agression a lieu en centre-ville. Viennentensuite les agressions en banlieue (31 %) et en milieu rural(16 %). Les trois départements les plus touchés sontla Seine-Saint-Denis (79 agressions), le Nord (70) et leVal d’Oise (49). Sans surprise, la Corrèze et la Creuse,qui comportent moins de médecins et de villes, n’ontrelevé qu’un incident durant toutel’année 2010.
Les principaux “motifs“ de ces agressions
Selon les médecins agressés verbalement ouphysiquement, les 5 principaux motifs ayantdéclenché cet incident sont :
– Un reproche relatif à une prise encharge (23 %)
– Le vol ou tentative de vol (22 %)
– Un refus de prescription (médicament, arrêt de travail)dans 18 % des cas
– Un temps d’attente jugé excessif (9 %)
– Pas de motif particulier (agression “gratuite“ :9 %)
Le “reproche relatif à une prise en charge“ pourraitêtre lié à un changement d’attitude de certainspatients d’aujourd’hui, qui pensent parfois mieux connaître laprise en charge nécessaire de leur état que leurmédecin. L’information médicale, y compris celle que nousdélivrons régulièrement sur Doctissimo, ne peutpourtant pas remplacer l’étude approfondie de la médecineet l’expérience des prescriptions…
Un partenariat avec les ministères concernés pourdes mesures concrètes ?
Afinde tenter d’enrayer ces agressions qui pénalisent l’exerciceserein de la médecine, Michel Legmann, Présidentdu CNOM, a annoncé la signature prochaine d’unpartenariat entre le CNOM et les ministères del’Intérieur, de la Justice et de la Santé, afind’“adopter des mesures concrètes“, parmilesquelles :
– L’extension de l’Observatoire de la sécurité àl’ensemble des professions de santé à Ordre, afind’apprécier la problématiques dans sa globalité
– Des relations renforcées entre les institutions ordinales etles services de sécurité publique pour favoriser la miseen oeuvre des dispositions légales prévues pour lesagressions dont sont victimes les professionnels de santé dansleur exercice
– Permettre un contact direct entre les médecins exerçantdans des zones affichant un nombre d’incidents importants et leSecrétariat d’Etat-major (un fonctionnaire et unnuméro de téléphone dédiés), pouraccélérer les procédures de dépôt deplainte
– La mise à disposition pour les médecins d’un boitier degéolocalisation, permettant de détecter et localiser leprofessionnel venant de subir une agression.
Ces dispositions pourraient permettre une meilleure évaluationdu problème et améliorer la réactivité, mais neparaissent cependant pas pouvoir influer sur la diminution pourtantnécessaire de tels comportements.
Adapter la médecine de proximité à lasociété d’aujourd’hui ?
L’augmentation, même modérée, de ces agressionsest inquiétante, pouvant décourager l’installation enlibéral de professionnels de santé. Or seul un jeunemédecin généraliste sur 10 s’installeaujourd’hui en libéral, en particulier en raison d’horaireslourds (58 heures hebdomadaires en moyenne, dont 36 % detemps administratif…), ce qui a pour conséquence unvieillissement des médecins installés et une majorationde la désertification médicale. Ainsi selon le syndicatMG France, il n’y aura plus que 25 000 médecinsgénéralistes en France en 2025, contre plus de50 000 aujourd’hui (voir notre article :
Les généralistes et infirmières engrève !).
Il est donc important qu’outre les mesures concrètesévoquées par le CNOM, les autorités de santéactuelles songent à réellement réformer lamédecine de proximité afin de susciter de nouvellesvocations.
La mission Legmann, puis le
Dr Elisabeth Hubert, ont ainsi remisen 2010 au Président de la Républiquedifférentes propositions afin d’endiguer cette érosion dela médecine générale en France, avec en particulierun développement des Maisons de Santé quisécuriseraient peut-être davantage les médecins.
Nicolas Sarkozy, lors de la remise du rapport Hubert finnovembre 2010,
s’est engagé à prendre “des mesuresfortes dès 2011 pour répondre aux défisidentifiés (…) : simplification des conditionsd’exercice, modernisation des systèmes d’information, appuià l’exercice regroupé des professionnels, valorisation dela formation initiale de médecine générale, aideà l’installation dans les zones-sous denses“. Cet engagementsera-t-il suivi d’effets positifs permettant de valoriser et desécuriser le métier de médecin généralisteen France ?Jean-Philippe Rivière
Sources :
– “Observatoire de la sécurité des médecins 2010 :une hausse sans précédent des actes de violence àl’égard des médecins“, CNOM, 29 mars 2011,article
accessible en ligne
– “Recensement national des incidents 2010“, Observatoire dela sécurité des médecins et Ipsos, présentationde l’étude
téléchargeable en ligne
– “La caisse ! #PPCS > Hey merde #Diag“, blog de Jaddo,4 mars 2011,
accessible en ligne
– “La France sans médecins généralistes ?“,communiqué commun de 4 syndicats de médecinsgénéralistes ((MG France, Union Généraliste,Union Collégiale et le Syndicat National des JeunesMédecins Généralistes), 4 mars 2010,
accessible en ligne
– “Définition d’un nouveau modèle de la médecinelibérale“, mission confiée au Dr Michel Legmann,avril 2010,
téléchargeable en ligne sur le
site de la Documentation Française
– Le rapport de Madame Elisabeth Hubert, novembre 2010,
téléchargeable sur le site del’Elysée
– “Médecine de proximité : des mesures fortesdès 2011 pour répondre aux défisidentifiés dans le rapport HUBERT“, communiqué del’Elysée, novembre 2010,
accessible en ligneClick Here: Cheap France Rugby Jersey