Bien-être : « Le besoin de méditation est universel, mais la trajectoire individuelle », assure le neurologue Steven Laureys

Steven Laureys avait fait un carton avec son précédent livre La méditation, c’est bon pour le cerveau (Ed. Odile Jacob, 2019). Pour donner un coup de pouce aux néophytes, il publie cette semaine un carnet d’exercices pour que chacun puisse trouver ce qui l’aide.Face à l’incertitude et aux inquiétudes que fait peser la crise sanitaire, le neurologue belge assure que la pratique méditative, quelle que soit sa forme, est une aide précieuse.Il espère qu’un jour, la méditation sera enseignée aux soignants, particulièrement éprouvés depuis deux ans, mais aussi à tous les enfants dès l’école.

Réconcilier ce qui peut sembler opposé. La science se passionne pour les mystères du cerveau et se penche de plus en plus sur la force de l’esprit, notamment quand il est entraîné à méditer. Steven Laureys, le neurologue belge qui a cartonné avec son essai La méditation, c’est bon pour le cerveau (Ed. Odile Jacob, 2019), publie cette semaine un cahier d’exercices pratiques pour aider les néophytes à faire leurs premiers pas.

Méditer avec le Dr Steven Laureys * propose des techniques pour que chacun teste et trouve ce qui l’aide. Une expérience apaisante et une parole bienveillante bienvenue dans une société pétrie d’incertitudes et de divisions liées à la crise sanitaire.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous pencher sur la méditation ?

Une crise personnelle. En 2012, je me retrouve seul avec trois jeunes enfants. Dans ma tête, ça tourne en rond, m’empêche de dormir. Je bois, je fume… Je n’étais pas le papa inspirant que je voulais être. En 2013, lors d’un TEDx, je rencontre Mathieu Ricard, rock star de la méditation et moine bouddhiste, on est très vite devenu proches. Il me propose d’aller en retraite avec lui, en Allemagne. Cette expérience, c’était comme être aux JO en étant joggeur du dimanche !

A mon tour, je décide de l’inviter à Liège comme cobaye pour étudier son cerveau. On a publié ensemble les résultats de ces examens. C’est à partir de là que j’ai commencé à prescrire la méditation en tant que neurologue et à l’étudier comme neuroscientifique.

Qu’avez-vous découvert ?

C’est important de prendre soin de notre bien-être mental. Je dirais même qu’on n’a pas le choix, il faut l’intégrer dans notre vie. En France, le taux de suicide des jeunes est inacceptable ! On va créer une ligne d’appel, mais que faire pour ne pas en arriver jusque-là ? Il y a très peu de troubles psy qui ne sont pas aggravés par le stress. En tant que neurologue, on ne m’a pas appris à parler d’hygiène de vie, à donner un outil où le patient a cette possibilité, et même cette responsabilité, de jouer un rôle dans sa guérison. Je pense qu’on devrait apprendre aux enfants à méditer à l’école, comme il y a des cours de gym…

Que nous disent les études sur la méditation ?

On a une littérature importante sur ses effets indéniables sur l’esprit, la douleur, le système immunitaire, le contrôle des émotions, l’amélioration de la concentration… Rien qu’en 2021, plus de 1.800 articles scientifiques sont parus. Il y a vingt ans, j’étais très sceptique sur la pleine conscience. Je suis cartésien. Mais j’ai vu, notamment grâce à Mathieu Ricard, que quand vous méditez, vous changez la structure de votre cerveau.

Mais tout le monde n’est pas moine bouddhiste…

Evidemment ! Le matin, chez nous, entre ma femme qui travaille à la maison et nos cinq enfants, c’est le chaos. Alors on fait ce qu’on peut. Mais cet impact sur le cerveau, on va le voir sur un scanner de personnes qui commencent la méditation dès huit semaines !

On peut entraîner notre attention comme on entraîne un muscle. La respiration est un ancrage facile, mais je vois avec les patients que d’autres exercices fonctionnent mieux pour eux. Il n’y a pas de méditation taille unique. Je suis dérangé par les injonctions du type : il faut faire tel temps, dans telle position. Ce que j’ai appris des patients, c’est que le besoin de méditation est universel, mais la trajectoire individuelle. Il n’y a pas que la pleine conscience ou la tradition bouddhiste. J’ai réorienté mes projets pour apprendre des traditions amérindiennes maintenant que nous habitons au Canada. Ils pratiquent aussi la méditation !

Peut-on vraiment lutter contre la douleur grâce à cette pratique ?

Lors de ma première retraite, j’avais une blessure au genou et horriblement mal. En méditant, je cherchais la bonne position. Un des moines m’a dit « Ne bouge plus, tu observes cette sensation, ça va t’aider ». Ça a marché. Des études cliniques ont montré que l’effet de la méditation pouvait être aussi grand que les antidouleurs.

Dans mon université à Liège, on étudie l’hypnose, la transe avec Corinne Sombrun… Nous avons réalisé des opérations sur 20.000 patients, dont moi-même, sous hypnose. C’est une réalité : l’esprit a une énorme force. Mais attention, ce n’est pas une médecine alternative, mais complémentaire. Si j’ai un cancer, je vais voir mon oncologue et je vais méditer. Aujourd’hui, on a l’impression que c’est l’un ou l’autre. On perd une grande richesse dans une société qui polarise.

La méditation est très à la mode. Mais quelle est la différence entre méditation, relaxation et sophrologie ?

Comme le sport, qui englobe énormément de pratiques, la méditation regroupe toute une série d’exercices, d’expériences… L’important est de clarifier son besoin : lutter contre une crise d’angoisse, contre le burn-out, travailler sa concentration, sa créativité… C’est important, dans notre société où l’on met l’accent sur le virtuel, de parler d’intelligence émotionnelle. Je ne veux pas être un avatar ou un robot ! Le défi est de se reconnecter à ses émotions et de vivre dans la réalité. Surtout avec la distanciation sociale et le télétravail…

Justement, dans cette période de crise sanitaire où l’anxiété a impacté nos vies, la méditation peut-elle être une aide précieuse ?

Elle ne va pas nous vacciner contre le Covid-19 mais aide à faire face à une situation complexe. Le cerveau a du mal avec l’incertitude. C’est pourquoi il est important de trouver ses outils, que ça soit la méditation, le yoga, l’hypnose. Néanmoins, il est compliqué de dire « méditez ! » alors que les gens ne peuvent pas payer leurs factures. C’est un luxe de faire une retraite. Mais tout le monde peut faire de la méditation informelle. On peut le faire n’importe où, n’importe quand.

C’est quoi, le mot-clef pour méditer ?

Le but n’est pas de respecter la minuterie, ce n’est pas une compétition. Mais il faut méditer régulièrement. C’est souvent quand j’en ai le plus besoin que ce n’est pas facile de prendre ce temps. Je le fais par exemple entre deux consultations avec des familles de patients polytraumatisés. Avant, je voulais faire tout en même temps, mais j’ai observé que si je fais une chose à la fois, je gagne du temps et je suis plus efficace.

Des applications, des vidéos proposent des méditations guidées. Quel est l’intérêt de proposer un livre sur des exercices de méditation ?

Je suis un grand fan de Petit bambou, c’est formidable. Pour certains patients, cela suffit. D’autres en ont marre de leur smartphone. Mon ouvrage n’est pas un livre à lire, mais à faire. La seule chose dont on a vraiment besoin, c’est la motivation. Je me dis que ça peut aider qu’un neurologue propose des exercices guidés. Je suis ni coach, ni un maître zen, c’est peut-être justement ma force : je suis bien placé pour savoir que c’est difficile !

Les soignants devraient-ils étudier la méditation pendant leurs études ?

C’est évident. Ils ont deux à trois fois plus de risque de burn-out que les autres. On le voit avec le Covid-19, certains ne tiennent plus. Plus globalement, avec cette crise, beaucoup de travailleurs réalisent que ça ne leur convient pas de travailler 16 heures par jour, d’être tout le temps en télétravail, que les courriels sont devenus neurotoxiques… S’en rendre compte nous aide à exprimer nos besoins.

On a vu, avec la crise du Covid-19, que les médecines complémentaires pouvaient mener à un rejet de la vaccination, de la Science… Est-ce une pente que vous constatez ?

Je pense qu’on n’écoute pas assez. C’est la même chose avec l’extrême droite. Certains ont peur des étrangers, d’autres du Big Pharma. Trop longtemps, on a refusé de comprendre les raisons de cette peur. Il y a des erreurs des deux côtés. On est loin d’avoir tout compris sur le Covid-19 et on fait comme si on savait tout. Face à un grand mystère, l’arrogance scientifique est à éviter. Mais je reste optimiste… Cette crise, où l’on a l’impression que le monde s’effondre est un mal et un bien : c’est une opportunité d’apprendre et de s’améliorer.

* Méditer avec le Dr Steven Laureys, Odile Jacob, 12 janvier 2022, 18,90 euros.

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