Un projet tentaculaire, dont les ramifications amènent sur le terrain économique, énergétique et environnemental. Des opposants de tous bords, à commencer par les écologistes. Mais au final « une seule question qu’il faut se poser » résume Jacques Archimbaud, président de la commission particulière du débat public (CPDP) missionnée pour le projet Horizeo : « Faut-il raser une forêt de 1.000 hectares, pour fournir à bas coût de l’électricité renouvelable à des industriels ? »
La Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie par l’Etat pour encadrer le débat public sur Horizeo, qui deviendrait s’il voit le jour le plus grand parc solaire d’Europe sur la commune de Saucats (Gironde), en pleine forêt des landes de Gascogne. C’est le montant faramineux de l’investissement – un miliard d’euros – de ce projet privé porté par Engie (premier producteur privé d’électricité dans le monde), Neoen (producteur privé français d’énergies renouvelables) et RTE (Réseau et Transport d’électricité) qui a enclenché la saisine de la CNDP. A l’heure de l’ouverture, ce jeudi à Bordeaux, de ce débat public qui va durer quatre mois, 20 Minutes résume ce projet en cinq points essentiels à connaître.
Horizeo, c’est quoi ?
C’est un projet à plusieurs dimensions. La principale porte sur une immense ferme photovoltaïque qui produirait 1 GW, ce qui en ferait la plus grosse ferme solaire d’Europe, bien plus importante que l’actuel plus gros parc photovoltaïque de France, situé juste à côté à Cestas, et qui produit 350 MW. Horizeo représenterait en puissance installée l’équivalent d’une tranche de centrale nucléaire, « mais compte tenu de l’intermittence de l’énergie solaire c’est en réalité cinq à six fois moins en puissance effective » estime Jacques Archimbaud. L’objectif du projet serait de fournir, essentiellement, des industriels de la région, à partir de 2026.
Alimenté en partie par cette centrale solaire, le projet comporte aussi un data center (ou centre de données), une petite centrale hydrogène, un système de stockage d’énergie, et sur 25 ha de l’agrivoltaïsme, qui permettrait de faire du maraîchage sous serre. Le coût total de l’investissement se chiffre à un milliard d’euros, dont 650 millions rien que pour la centrale solaire. En surface, cette plateforme photovoltaïque occuperait une espèce de triangle, sur environ 7 km de long et 4 km de large.
Pourquoi un projet d’une telle envergure ?
Ce projet s’il se réalisait permettrait de réaliser un bond de géant pour atteindre l’objectif de la région Nouvelle-Aquitaine, première région photovoltaïque de France, de plus de 8 GW d’énergie solaire sur son territoire d’ici à 2030, contre environ 2 GW à l’heure actuelle. « Mais pour atteindre cet objectif, faut-il de grosses structures de ce type, ou multiplier les petits projets ? », pointe Jacques Archimbaud. Autre problématique : la région Nouvelle-Aquitaine s’est aussi engagée à « lutter contre l’artificialisation des terres » et « conforter la forêt et les zones humides », alors que 40.500 hectares de surfaces naturelles, agricoles et forestières ont été artificialisées en Nouvelle-Aquitaine entre 2006 et 2015.
Pourquoi le site de Saucats en Gironde ?
Le choix de ce site ne s’est évidemment pas fait au hasard. « Cette forêt dispose de plusieurs atouts, relève Jacques Archimbaud. D’abord elle offre une zone de 2.000 hectares d’un seul tenant, ce qui est assez rare, le projet photovoltaïque occupant 1.000 hectares dans cette partie. Ensuite, il y a un propriétaire privé unique – ce qui facilite les discussions – qui louerait le terrain pendant 30 ans. Et elle bénéfice de la proximité d’un poste électrique de RTE qui éviterait de tirer des câbles sur une trop longue distance. Enfin, il s’agit d’une forêt close servant uniquement à la chasse à courre ou au tir longue distance, et qui est interdite à la promenade. » Enfin, Saucats s’étend sur un territoire assez vastes de près de 9.000 ha, dont plus de 7.000 ha de forêt.
Mais la destruction de 1.000 hectares de pin des Landes « pose problème à plusieurs titres, concernant le stockage du carbone et la biodiversité » soulève parallèlement le président de la commission particulière. « Il y a aussi le risque incendie, sachant qu’un data center ou une batterie peuvent brûler, et le risque inondation. Il va donc falloir évaluer les mesures de prévention qui seront prises. » La loi obligeant à compenser lorsqu’on défriche de la forêt, les porteurs du projet se sont engagés à replanter « au moins 2.000 hectares de forêt » à proximité « des usines de transformation du bois dans le massif forestier des Landes », assure le porte-parole d’Horizeo Mathieu Le Grelle.
Qui sont les opposants au projet ?
C’est l’une des particularités de ce projet : il fédère contre lui « une coalition assez vaste et plutôt contre-intuitive » remarque Jacques Archimbaud. Chez les élus, cela va des écologistes, à commencer par le maire de Bordeaux (EELV) Pierre Hurmic, au Rassemblement national en passant par le Mouvement de la Ruralité. Les associations environnementales comme la Sepanso sont aussi vent debout. « Le massif forestier concerné, gravement touché par la tempête de 1999, avait été reconstitué grâce à des subventions étatiques », rappelle la Sepanso.
Ce n’est pas tout. « Les forestiers s’inquiètent des impacts économiques, même si le bois de cette forêt est faiblement utilisé pour la construction, mais plutôt pour de la palette, du papier ou du combustible, relève Jacques Archimbaud. On trouve aussi les pro-nucléaire, qui pensent que ce projet est inutile, alors que les agriculteurs et les chasseurs en ont assez de voir de l’espace naturel gaspillé pour des équipements et de l’urbanisation ».
Pour couronner le tout, la construction des panneaux photovoltaïques se faisant en Chine, « les impacts sur le territoire concernant l’emploi seront très faibles » prévient le président de la CPDP. « Est-ce que ce projet ne pourrait pas être davantage porteur pour la filière industrielle française et davantage créatrice d’empois ? » demande Jacques Archimbaud. Autre question qui devrait faire débat.
Y’a-t-il des défenseurs du projet ?
Horizeo n’a bien sûr pas que des détracteurs. Le conseil municipal de Saucats a voté un accord de principe en faveur du projet, même si le maire Bruno Clément émet des réserves concernant le risque incendie et inondation. Dans les milieux économiques on se félicite plutôt de voir débarquer « un immense projet entièrement financé par le privé, et qui se fera ailleurs s’il ne se réalise pas en Nouvelle-Aquitaine », note le président de la CCI Bordeaux Gironde Patrick Seguin. « L’utilité est évidente à la fois pour la fourniture d’énergie verte, et pour la création d’un data center dont on a besoin, poursuit-il. La question vraiment importante porte sur la disparition de ces 1.000 hectares de forêt, mais cela ne représente que 0,03 % de la surface forestière de notre région… »
La CPDP rappelle que sa mission est « d’informer et de faire en sorte que n’importe quel citoyen puisse donner un avis » et qu’elle ne se prononce ni en faveur ni contre le projet. Le premier débat public a lieu ce jeudi à 18h30 au palais des congrès de Bordeaux. Tous les rendez-vous sont à retrouver sur le site de la CPDP.
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